Tandis que nos amis les bourgeois s’étalaient en journaux bucoliques dans nos grands quotidiens subventionnés par nos impôts, la France vivait une version différente du Confinement. Pendant que Marie-Chantal s’ébahissait des prouesses de Chlamydia et Chocolatine dans le jardin de leur résidence secondaire, vous, moi, nous, étions en train de télétravailler, larver devant Netflix, nous battre avec nos mômes pour la classe à la maison, ou encore étions obligés d’aller au boulot parce que vital pour la Nation.
Cette expérience-là, celle de la famille moyenne coincée dans sa maison moyenne avec ses moyens du bord, Groumpf la raconte au travers d’une planche quotidienne dessinée et publiée sur sa page Facebook. Le résultat de ce journal qui ne s’abîme pas dans l’extase d’un « retour à l’essentiel » est compilé dans une nouvelle BD de Groumpf « Tranche de Vide : Confinement », en préco sur Ulule.
Vous reprendriez bien une tranche de confinement ?
« « Nous sommes en guerre ». C’est par ces mots que tout a commencé. C’est après cette annonce, terrible, que nous sommes devenus une nation luttant contre un ennemi invisible, et qu’a débuté notre long combat. À l’instar de nos aïeux qui ont connu la Grande Guerre, nous aussi, avons vécu l’horreur des tranchées et l’angoisse du conflit, confinés chez nous, vautrés dans nos canapés devant Netflix… et comme tout soldat qui se sacrifie pour sauver le monde, nous découvrîmes avec effroi que le pire ennemi du combattant, c’est l’ennui. »
Et c’est par ces mots que l’auteur commence sa campagne Ulule, donnant immédiatement le ton. Tranche de Vide, c’est une série débutée il y a des années sur blog qui mêle culture Geek, humour noir et politique. « Confinement » n’échappe évidemment pas à la règle et on retrouve Groumpf, sa femme Naat et leur fille Edda dans un quotidien qui tient dans quelques mètres carrés et quelques cases de BD.
Avec son humour grinçant, son trait noir et blanc qui se tâche parfois de rouge selon l’emphase qu’il choisit de mettre, Groumpf revient chaque jour sur des éléments de ce quotidien, n’hésitant pas à rebondir sur les actualités politiques de l’instant.
Les applaudissements à 20h, les incohérences sur les autorisations de sortie, le télétravail, la parentalité dans ces moments, mais aussi la vie de couple ou encore des actus précises comme la mort d’Uderzo ou l’annulation du HellFest sont autant de sujets abordés parfois juste symboliquement par l’auteur.
Groumpf et sa culture Metal-Geek-enragé
Groumpf, c’est un dessin marqué par les comics, enraciné dans la réalité et toujours fourmillant de détails. Métalleux assumé (le premier tome de sa Saga From Afar est directement inspiré d’un album), Groumpf a cette culture politique engagée un peu braillarde qui manque beaucoup ces derniers temps.
Derrière une fausse image de papa-ado-chauve se cache en réalité un œil et un crayon très acérés qui captent et croquent avec beaucoup d’ironie et de justesse le monde qui nous entoure. Si dans From Afar on va se laisser porter par le sens de la mise en scène onirique du dessinateur, dans Tranche de Vide c’est le détail et le discours incisifs qui priment.
On passe du rire au grincement de dents, comme on le fait devant un bon humoriste qui nous laisse toujours ce goût doux-amer du « ah ah… c’est si vrai, quand même. »
La conclusion à cette minisérie du pangolin laisse d’ailleurs incertain. C’est intense, probablement la série de planches la plus sérieuse du livre et la plus intime, et pourtant la plus parlante. On ne spoile pas, mais vous encourage à lire.
À vous de vous faire une idée en précommandant ce recueil ici.
