Au moins, nous sommes directs au niveau de notre point de vue sur le second opus de The Last of Us. Réalisation, finition, scénario, direction artistique, gameplay, bande son … tout cela fait un bon jeu vidéo, mais ce n’est pas suffisant pour en faire un chef d’œuvre. Ce n’est en tout cas plus suffisant à partir d’aujourd’hui et la claque portée par cette pépite signée Naughty Dog.
Techniquement irréprochable
Alors que le monde du gaming prend la sale habitude de se contenter d’early acces bugués mis en avant par quelques influenceurs boutonneux, ou des remakes bâclés comme Final Fantasy 7, on avait presque oublié la saveur d’un jeu vidéo travaillé à tous les niveaux. Dès les premières minutes de The last of Us Part 2, on note la touche de Naughty Dog et son grand soucis du détail et des ambiances comme on avait pu en voir dans la série des Uncharted. L’épisode de la tempête de neige a marqué presque tous les joueurs tant l’immersion était parfaite. C’est aussi de la grande qualité au niveau du contrôle, de la profondeur des compétences et des armes, sans parler de la difficulté qui est extrêmement bien calibrée. Les rares petits points discutables, bien souvent des textures moins travaillées en second plan, sont pour la plupart à mettre sur le comptes des capacités de la PS4 qui sont probablement atteintes.
Moins de zombies, plus d’humain
The last of Us Part 2 a cette puissance de réussir le tour de force de rendre le monde apocalyptique de Seattle tangible, possible même. Au-delà du gameplay, qui fait le boulot, on se prend à faire preuve de beaucoup d’empathie pour les personnages, et je dis bien les personnages. Là où le schéma du héro qui butte tous les méchants aurait pu être retenu, The last of Us Part 2 nous plonge dans deux histoire croisées de personnages qui cherchent à se venger. Qui vont s’affronter presque à en mourir, quitte à tout perdre. Des sensations que l’on a déjà pu voir dans plusieurs titres, mais qui sont ici servies par des cinématiques d’une grande beauté, des mouvements de caméra dignes d’un Tarantino, mais surtout un travail fantastique de face et de motion capture. On est presque dans un film interactif. Nous avons joué avec de grands acteurs, c’était plus qu’un jeu vidéo.
Dans la même veine, le design sonore est monstrueux, pesant, immersif, inquiétant. On a un rendu final qui n’a rien à envier à la plupart des blockbuster d’Hollywood.
La vengeance, moteur du monde de demain
Le scénario reste simple quand on le regarde de loin. Un homme, Joel, sauve Ellie, ado immunisée contre un mal qui menace l’humanité, d’un charcutage scientifique en règle. Il tue à tour de bras. Et le prix de ce sauvetage devra être payé par de nombreuses figures emblématiques du jeu.
Oui, c’est de l’ultra condensé mais on ne veut pas spoiler divulgâcher.
Cette apparente simplicité se transforme rapidement en expérience humaine lorsque l’on repart, dans la seconde partie du jeu, à nouveau au jour 1 de l’aventure avec celle qui fût présentée comme la méchante de l’histoire. Mais à coup de flash-backs, on se rend compte que notre point de vue était probablement biaisé, au joueur de voir, de comprendre. Et de pardonner ?
Cette spirale infinie trouvera pourtant une issue – il y aurait pu y en avoir d’autres – qui laisse un goût d’amère rédemption. La scénarisation de la dernière partie du jeu est capable de donner des frissons aux plus impassibles des nerds. Digne des meilleurs épisodes de The Walking Dead.
Un jeu engagé
Le dernier point, et non des moindres si vous avez suivi l’actualité gaming ces derniers jours, est l’engagement politique du jeu qui trouve un écho particulier en cette période pré-apocalyptique de post-confinement. Une héroïne est lesbienne, un autre personnage sort largement des « codes », un troisième est trans et a voulu échapper à un mariage forcé imposé par une faction puritaine refusant les progrès. Le résultat ne s’est pas fait attendre avec un review bombing (notation massivement hostile du jeu sur les plateformes de test) très agressif. Preuve que le monde de demain a probablement été repoussé à plus tard.
Les attaques sur les valeurs vieillissantes d’une Amérique en train de se perdre, dans le jeu comme ici, sont chirurgicales et criantes de réalisme. The last of Us Part 2 est probablement une parodie à peine exagérée de notre monde. Si la vengeance brutale présente dans le titre remplace notre jalousie, le fanatisme religieux est malheureusement du même niveau dans les deux cas. Au fil de l’aventure, on se projette, on s’interroge sur notre propre morale.
Et cela dérange bon nombre de joueurs finis à la pisse, qui mettent un 3/20 car deux filles s’embrassent, ou qu’un autre personnage se rase la tête pour échapper à son funeste destin. Mais c’est trop tard, ce jeu est trop bien fait pour laisser insensible. The Last of Us part 2 prouve qu’un jeu vidéo est un medium comme les autres. Et que les lignes peuvent bouger dans ce monde là aussi.
The Last of Us part 2 est peut-être la pierre qui manquait au jeu vidéo pour passer un nouveau cap, espérons que nous aurons la chance de voir d’autres titres de cette qualité dans les années à venir.