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Littérature

Christopher Tolkien, le gardien du temple de la Terre du Milieu

Première de couverture du Silmarillion, édité par Chistopher Tolkien

Christopher Tolkien, le fils de l’auteur du Seigneur des Anneaux, s’est éteint en janvier dernier à l’âge de 95 ans. Exécuteur testamentaire de son père, il fut en fait bien plus que cela. C’est lui qui publiera le Silmarillion et les Contes et Légendes inachevées dans les années soixante-dix. Il s’attellera ensuite à l’Histoire de la Terre du Milieu (13 tomes inédits) et mettra à profit ses dernières années pour finaliser un projet qui lui tenait à cœur : donner des versions longues des trois « grands contes » du Silmarillion (Beren et Luthien, Les enfants de Hurin et La Chute de Gondolin).

Christopher Tolkien, premier lecteur et premier critique

A l’époque où il entreprend l’écriture du Hobbit (milieu des années trente), J.R.R. Tolkien a déjà mis en forme une version avancée du Silmarillion. C’est d’ailleurs cette version qui aurait été publiée quelques années plus tard si l’éditeur l’avait acceptée. L’auteur proposait un deal : une suite au Hobbit (qui deviendra finalement Le Seigneur des anneaux plus de dix ans plus tard) contre la publication de ce qu’il considérait comme son œuvre maîtresse.

Désappointé par le style, le nombre hallucinant de personnages et la complexité générale du Silmarillion, l’éditeur ne donnera pas suite. Ce qu’il voulait, c’était une suite à un roman orienté jeune public qui avait été un succès commercial. Et ce succès devait quelque chose à un critique intransigeant, âgé de seulement une dizaine d’années à l’époque : le propre fils de Tolkien, Christopher. Impressionné par des retours qui savaient déjà parfaitement pointer une incohérence, une faiblesse ou une erreur, l’auteur fera de lui son premier lecteur et son collaborateur.

Une influence sur Le Seigneur des Anneaux

La rédaction du Seigneur des anneaux sera pour Tolkien un long sacerdoce de presque quinze ans. Il commencera le roman dans l’optique souhaitée par l’éditeur (le premier chapitre s’en ressent) avant de développer un projet ambitieux et totalement novateur pour une époque où la fantasy n’en était qu’à ses balbutiements. Doutes, découragement et lassitude seraient peut être venus à bout du projet si l’auteur n’avait pu compter sur le soutien de son fils.

Au fil des années, celui-ci lira et commentera les chapitres que son père lui envoyait dès leur rédaction achevée. Il lui retournait parfois de véritables rapports quand l’éloignement ne permettait pas une discussion. Il a donc joué un rôle de conseiller littéraire important pendant cette période décisive qui aboutira à « l’invention du Troisième Âge » selon la formule de Carpenter, biographe de Tolkien. C’est pendant la rédaction du Seigneur des Anneaux que l’auteur imagine en effet un plan d’ensemble permettant de relier l’ouvrage au Silmarillion (qui décrit les événements du Premier Âge).

Collaborateur littéraire puis éditeur

La publication puis le succès du Seigneur des Anneaux plongera Tolkien dans un certain désarroi : il faut des appendices, des cartes, des généalogies, des dictionnaires… Et en premier lieu, il faut venir à bout du Silmarillion dont une troisième réécriture laisse encore à l’auteur, perfectionniste éternellement insatisfait, certaines frustrations. Il s’avère en effet difficile de donner une unité de ton et de structure à une œuvre dont les premiers mots ont déjà plus de cinquante ans…

Ce sera finalement à Christopher, devenu philologue et professeur à Oxford comme son père, que reviendra la lourde responsabilité de la publication de l’ouvrage après le décès de celui-ci. Mieux encore, il se trouvera l’héritier de milliers de feuillets, réunis dans un parfait désordre, qui donnent parfois plusieurs versions d’événements importants sans pouvoir toujours être datés… Comme un moine du Moyen-Âge, Christopher va s’atteler à une tâche immense qui débouchera finalement sur la publication du chef-d’œuvre de Tolkien en 1977, auquel il adjoindra dans les années qui vont suivre trois tomes appelées Contes et légendes inachevées.

La poursuite d’un rêve

Mais Christopher Tolkien ne s’en tiendra pas là. Partageant avec son père le trait de caractère de l’insatisfaction, il va se lancer dans une nouvelle tâche monumentale : la publication d’une Histoire de la Terre du Milieu, qui s’étendra sur presque quinze ans : douze tomes plus un treizième volume d’index… II restait en effet du matériel inédit (notamment les Annales de Valinor et de la Terre du Milieu) et des versions alternatives de plusieurs histoires, les premières moutures du Silmarillion, etc. Christopher Tolkien prendra le parti de tout publier en jouant le rôle de l’éditeur, comblant les vides et les inachèvements par des commentaires on ne peut plus experts.

Il consacrera ensuite les dernières années de sa vie à un projet que Tolkien n’avait pas pu ou su mettre en forme (hormis pour une version de Turambar publiée dans le deuxième tome des Contes et Légendes Inachevées) : faire des trois « grands contes » du Silmarillion des romans autonomes de deux cent pages, en compilant des extraits déjà parus ou inédits. C’est ce dernier projet qui lui donnera le goût de demeurer un peu plus en ce monde, malgré les déceptions (j’emploie un euphémisme…) que seront pour lui les adaptations cinématographiques de Peter Jackson.

Travailleur de l’ombre méconnu, Christopher Tolkien s’est éteint en janvier dernier en ayant pour le moins, on peut le penser, le sentiment d’avoir achevé sa tâche… Et la satisfaction d’avoir respecté la promesse faite à son père durant ses dernières années.

Ecrit par

Auteur, depuis toujours, j'ai écrit plusieurs romans et publie régulièrement des nouvelles sur le net. Je termine actuellement ma formation de correcteur au CEC. Mes domaines de compétences principaux sont la littérature, l'édition, l'histoire ancienne, la psychologie et la politique . Mon profil Wriiters.

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